mercredi 20 février 2013

Discours prononcé à Ballersdorf - Hommage aux 17 jeunes fusilés (17.02.2013)



En 1940, l’Alsace a vécu une annexion de fait. Tout ce qui pouvait rappeler la France, tout ce qui pouvait exprimer notre volonté d’être Français, fut proscrit, interdit ou puni.

Après la honte de la défaite et l’abandon par le régime de Vichy, il a fallu adhérer dès 1940 et 1941 aux organisations nazies, aux jeunesses hitlériennes ou se mettre au service du travail du Reich, et à partir du  25 août 1942, sur décret du  Gauleiter nazi Robert Wagner, combattre sous l’uniforme allemand. 

L’incorporation de force dans la Wehrmacht, qui s’appliquera aussi en Moselle, concernera quelque 130 000 « Malgré-nous ». Ils avaient à peine 18, 19 ou 20 ans.

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C’est dans le Sundgau, en février 1943  que les premiers réfractaires à l’incorporation de force s’évadent  pour la Suisse, le 7 février 1943, ils furent 18 dont un certain Lucien REITZER, le  10 février, ils étaient 183 et  venaient de Riespach, Grentzingen, Oberdorf. Le lendemain, 80 autres de Fislis, de Lutter et d’Oltingue, et le 12 février, 18  jeunes gens de Ballersdorf tentèrent l’aventure.

Nous sommes réunis aujourd’hui pour rendre hommage à ces jeunes gens qui se sont évadés dans la  nuit du 12 février 1943. Les autorités allemandes furent alors impitoyables prononçant leur condamnation à mort  avec l’approbation de Hitler lui-même qui affirma plus tard vouloir  « briser la terreur par une terreur dix fois plus grandes et toujours anéantir les traîtres où et quels qu’ils soient ».

Le 17 février, il y a exactement 70 ans aujourd’hui, ces 14 jeunes gens, les 14 réfractaires de Ballersdorf, furent exécutés au Struthof.

Pour décourager  tous ceux  qui auraient voulu se soustraire à l’incorporation de force, le Gauleiter le 1er octobre 1943 prend un décret sur les mesures à mettre en œuvre contre tous ceux qui se dérobent au « devoir de défense » ; Ils  condamnent ainsi les familles entières à la déportation. Le terme utilisé était transplantation… et ces transplantations étaient présentées comme des mesures éducatives.

Les habitations des familles sont repérées, les crosses des fusils cognent contre les portes ou les volets et les familles sont rassemblées à la Halle au blé d’Altkirch ou à l’Institut du Sonnenberg à Carspach avant d’être embarquées dans des trains verrouillés à destination de camps, dans le Wurtemberg ou en Silésie. Une statistique officielle de 1948 porte sur 17000 personnes en Alsace et 10 000 de la Moselle transplantées dans le Reich ou dans les territoires occupés de l’Est. Le chiffre, selon un rapport allemand est de 2260 personnes pour le Sundgau, dont ma maman Jeanne REITZER, née GESSER, de Roppentzwiller. 

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Ce mémorial devant lequel nous nous inclinons aujourd’hui avec un sentiment de respect profond, a été érigé et inauguré  le 5 juin 1966. Monsieur Perrin, alors  député Haut Rhin, représentant André Malraux souffrant, a rappelé que « ce monument restera un pèlerinage aux sources, une démarche de la conscience, le sentiment d’un devoir sacré, une leçon pour les jeunes qui jamais ne devront renoncer, ni accepter la honte car pleurer les morts seraient vains si notre vie démentirait leurs sacrifices ».

Incorporation massive des classes des jeunes alsaciens, répression brutale et meurtrière des réfractaires, embrigadement de la population civile, l’Alsace a payé un lourd tribut.

Sur les 130 000 incorporés de force, 40 000 ne reviendront jamais dans leurs foyers, tués durant les combats ou morts de faim et d’épuisement dans les camps russes.

Nous Alsaciens avons été les victimes du nazisme, les victimes d’un véritable crime de guerre. Nous avons été privés de notre nationalité et de notre dignité.

Si notre histoire a longtemps été enfouie dans notre seule mémoire, c’est à cause de l’incompréhension du reste de la nation française et de la douleur.

La France a reconnu officiellement le 8 mai  2010 la spécificité de l’histoire de l’Alsace Moselle « en rendant hommage au destin tragique de ces hommes et des femmes morts en portant l’uniforme d’une armée qui n’était pas la leur »  (discours de Nicolas Sarkozy, Président). 

Aujourd’hui et demain, n’oublions jamais que le destin de toutes ces femmes, de ces hommes et des jeunes gens sacrifiés, fait partie de notre histoire, de notre histoire nationale, de la mémoire collective de tous les Français.

« Je suis venu aujourd’hui en Alsace réparer une injustice. À partir de 1942, les Alsaciens et Mosellans furent enrôlés de force dans l’armée allemande. On leur mit un uniforme qui n’était pas celui du pays vers lequel allaient leur cœur et leur fidélité. On les força à agir contre leur patrie, leur serment, leur conscience.... Ceux qui n’ont rien fait pour empêcher cette ignominie perpétrée contre des citoyens français ont trahi les valeurs de la France, l’ont déshonorée. Vichy a trahi la France et l’a déshonorée... » Nicolas Sarkozy le 8 mai 2010 à Colmar.

« Parce qu’ils ont été pour la France à la pointe du combat, les Alsaciens et les Lorrains n’ont jamais été plus près du cœur de la Nation », Général DE GAULLE

Alors plus que jamais, quels que soient nos âges et nos convictions : 

Honneur pour toujours aux martyrs de Ballersdorf, 

Vive le Sundgau, Vive l’Alsace et Vive la France.

Jean-Luc REITZER
Député du Haut-Rhin