En 1940, l’Alsace a vécu une
annexion de fait. Tout ce qui pouvait rappeler la France, tout ce qui pouvait
exprimer notre volonté d’être Français, fut proscrit, interdit ou puni.
Après la honte de la défaite et
l’abandon par le régime de Vichy, il a fallu adhérer dès 1940 et 1941 aux
organisations nazies, aux jeunesses hitlériennes ou se mettre au service du
travail du Reich, et à partir du 25 août 1942, sur décret du
Gauleiter nazi Robert Wagner, combattre sous l’uniforme allemand.
L’incorporation de force dans la
Wehrmacht, qui s’appliquera aussi en Moselle, concernera quelque 130 000 «
Malgré-nous ». Ils avaient à peine 18, 19 ou 20 ans.
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C’est dans le Sundgau, en février
1943 que les premiers réfractaires à l’incorporation de force
s’évadent pour la Suisse, le 7 février 1943, ils furent 18 dont un
certain Lucien REITZER, le 10 février, ils étaient 183 et venaient
de Riespach, Grentzingen, Oberdorf. Le lendemain, 80 autres de Fislis, de
Lutter et d’Oltingue, et le 12 février, 18 jeunes gens de Ballersdorf
tentèrent l’aventure.
Nous sommes réunis aujourd’hui
pour rendre hommage à ces jeunes gens qui se sont évadés dans la nuit du
12 février 1943. Les autorités allemandes furent alors impitoyables prononçant
leur condamnation à mort avec l’approbation de Hitler lui-même qui
affirma plus tard vouloir « briser la terreur par une terreur dix
fois plus grandes et toujours anéantir les traîtres où et quels qu’ils
soient ».
Le 17 février, il y a exactement
70 ans aujourd’hui, ces 14 jeunes gens, les 14 réfractaires de Ballersdorf,
furent exécutés au Struthof.
Pour décourager tous ceux
qui auraient voulu se soustraire à l’incorporation de force, le Gauleiter
le 1er octobre 1943 prend un décret sur les mesures à mettre en
œuvre contre tous ceux qui se dérobent au « devoir de
défense » ; Ils condamnent ainsi les familles entières à la
déportation. Le terme utilisé était transplantation… et ces transplantations
étaient présentées comme des mesures éducatives.
Les habitations des familles sont
repérées, les crosses des fusils cognent contre les portes ou les volets et les
familles sont rassemblées à la Halle au blé d’Altkirch ou à l’Institut du
Sonnenberg à Carspach avant d’être embarquées dans des trains verrouillés à
destination de camps, dans le Wurtemberg ou en Silésie. Une statistique
officielle de 1948 porte sur 17000 personnes en Alsace et 10 000 de la
Moselle transplantées dans le Reich ou dans les territoires occupés de l’Est.
Le chiffre, selon un rapport allemand est de 2260 personnes pour le Sundgau,
dont ma maman Jeanne REITZER, née GESSER, de Roppentzwiller.
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Ce mémorial devant lequel nous
nous inclinons aujourd’hui avec un sentiment de respect profond, a été érigé et
inauguré le 5 juin 1966. Monsieur Perrin, alors député Haut
Rhin, représentant André Malraux souffrant, a rappelé que « ce monument
restera un pèlerinage aux sources, une démarche de la conscience, le sentiment
d’un devoir sacré, une leçon pour les jeunes qui jamais ne devront renoncer, ni
accepter la honte car pleurer les morts seraient vains si notre vie démentirait
leurs sacrifices ».
Incorporation massive des classes
des jeunes alsaciens, répression brutale et meurtrière des réfractaires,
embrigadement de la population civile, l’Alsace a payé un lourd tribut.
Sur les 130 000 incorporés
de force, 40 000 ne reviendront jamais dans leurs foyers, tués durant les
combats ou morts de faim et d’épuisement dans les camps russes.
Nous Alsaciens avons été les
victimes du nazisme, les victimes d’un véritable crime de guerre. Nous avons
été privés de notre nationalité et de notre dignité.
Si notre histoire a longtemps été
enfouie dans notre seule mémoire, c’est à cause de l’incompréhension du reste
de la nation française et de la douleur.
La France a reconnu
officiellement le 8 mai 2010 la spécificité de l’histoire de l’Alsace
Moselle « en rendant hommage au destin tragique de ces hommes et des
femmes morts en portant l’uniforme d’une armée qui n’était pas la
leur » (discours de Nicolas Sarkozy, Président).
Aujourd’hui et demain, n’oublions
jamais que le destin de toutes ces femmes, de ces hommes et des jeunes gens
sacrifiés, fait partie de notre histoire, de notre histoire nationale, de la
mémoire collective de tous les Français.
« Je suis venu aujourd’hui en
Alsace réparer une injustice. À partir de 1942, les Alsaciens et Mosellans
furent enrôlés de force dans l’armée allemande. On leur mit un uniforme qui
n’était pas celui du pays vers lequel allaient leur cœur et leur fidélité. On les
força à agir contre leur patrie, leur serment, leur conscience.... Ceux qui
n’ont rien fait pour empêcher cette ignominie perpétrée contre des citoyens
français ont trahi les valeurs de la France, l’ont déshonorée. Vichy a trahi la
France et l’a déshonorée... » Nicolas Sarkozy le 8 mai 2010 à Colmar.
« Parce qu’ils ont été
pour la France à la pointe du combat, les Alsaciens et les Lorrains n’ont
jamais été plus près du cœur de la Nation », Général DE GAULLE.
Alors plus que jamais, quels que
soient nos âges et nos convictions :
Honneur pour toujours aux
martyrs de Ballersdorf,
Vive le Sundgau, Vive l’Alsace
et Vive la France.
Jean-Luc REITZER
Député du Haut-Rhin